Observatoire du changement climatique
Dans le cadre de l’élaboration de la stratégie de transition écologique du Trièves (en cours), la Communauté de communes du Trièves et les associations « Névé » et « CERES », proposent un Observatoire du changement climatique en Trièves. Alors que de nombreuses informations sur le changement climatique existent au niveau national et international, l’objectif de cet observatoire est prendre la mesure des évolutions qui sont déjà à l’œuvre en Trièves, ainsi que leurs conséquences sur notre quotidien, afin de mieux anticiper l'avenir. Pour cela, nous avons recherché et analysé les données scientifiques existantes qui concernent le climat de notre territoire et recueilli les observations et la parole Trièvoise d’une vingtaine de personnes de tous âges. Cet observatoire rassemble aussi des témoignages de pratiques d’adaptation et d’atténuation déjà mises en place. Il a vocation à s’enrichir avec le temps en intégrant de nouvelles données et de nouveaux témoignages.
Entretien Christophe Bonnet
Rencontré le 25/07/2022
Christophe Bonnet travaille au service technique de Cordéac depuis 1997 puis pour Châtel-en-Trièves depuis la fusion et s’occupe essentiellement de l’eau, de l’assainissement, des espaces verts, de la montagne, des voiries. Il est originaire du Trièves et habite Cordéac.
La ressource en eau et la sécheresse
« Il y a 3 captages sur Saint-Sébastien, 5 sur Cordéac et 4 sur le SIE, c’est le service intercommunal des eaux entre Saint Sébastien et Saint Jean d’Héran. En alpage, on a 2 captages à Cordéac, un pour les alpages du Châtel et un sur l’alpage de Bachillianne. D’habitude on relève le débit des sources une fois par mois et en ce moment tous les huit jours parce que c’est demandé. Sur le SIE, on a un traitement au chlore gazeux et sur Cordéac tous les traitements se font aux ultra-violets (UV). On change les lampes une fois par an. »
« Il y avait déjà eu une grosse sécheresse en 2003 : très chaud, sans pluviométrie mais moins longtemps que cette année. On avait déjà eu, à ce moment-là, un déficit des sources mais ça s’est moins vu qu’aujourd’hui parce qu’il y avait plus de ressources. On a de moins en moins de neige et de pluviométrie. En 2009 aussi il fallait faire attention. Il y avait des restrictions. Dans les années 2011-2012, on a de nouveau eu pas mal de neige. Maintenant les gens croient qu’il y a de la neige mais en cumul ce n’est pas grand-chose. Depuis 2006, je fais tous les relevés de pluviométrie et de neige en millimètres d’eau. On a de moins en moins de pluies d’automne alors que c’est ce qui recharge beaucoup les sources. Au printemps, ça aide un peu aussi mais la nature prends beaucoup alors qu’en automne elle est endormie. J’ai remarqué que si on a de bonnes pluies en novembre et jusqu’au 15 décembre, ça remplit pas mal les sources. Les gens font plus attention quand il fait chaud en été mais le moment où on manque le plus c’est en décembre-janvier-février parce que bien souvent le froid arrive et ça gèle en montagne. L’eau est coincée là-haut et les sources baissent énormément. »
« Le débit en ce moment ça m’inquiète un peu, ça descend pas mal. Sur le SIE on est un peu plus inquiets parce qu’on a un réservoir qui remplit deux réservoirs sur Saint-Sébastien et plusieurs sur Saint-Jean-d’Hérans. Ça représente à peu près 500 personnes. Dès qu’il y a un problème sur ce réservoir, je reçois une alerte sur le téléphone : dès que le débit est trop bas ou s’il y a un problème avec le niveau de chlore. Depuis 3 semaines [début juillet], on est alertés la nuit parce qu’on consomme beaucoup trop aux heures de pointe : de 19h à 1h du matin. Cette semaine, ça allait mieux, les gens ont pris conscience parce qu’on a fait passer un mot dans toutes les boites aux lettres sur Châtel et Saint-Jean-d’Hérans. La nuit, quand il n’y a pas beaucoup d’eau, je monte au réservoir et je prends un peu d’eau de la réserve incendie pour compenser et que le matin tout le monde ait de l’eau. Je l’ai expliqué aux gens : il vaut mieux que ce réservoir soit plein en cas de problème incendie. Quand on parle de ça, ça marque beaucoup plus les esprits. Il faut que les communes montrent l’exemple donc on n’arrose plus et il n’y a plus de fontaines [alerte sécheresse]. Les fontaines ont un bouton poussoir pour que les cyclistes puissent prendre de l’eau mais que ça ne coule pas sans arrêt. »
« Cette année, les températures sont chaudes et ça dure longtemps, depuis mai, et surtout on n’a pas de pluviométrie et ce n’est pas annoncé. Il y a quelques orages mais ce n’est pas ça qui met de l’eau. Avec la chaleur, l’eau s’évapore. Le vent ça joue aussi, il prend toute l’humidité. La nature en demande aussi beaucoup. Pour un gros chêne, il faut 600L par jour. »
« En période de sécheresse, je travaille plus que d’habitude. On fait des recherches de fuites un peu toute l’année mais encore plus quand on a des problèmes d’eau. Depuis le 22 juillet, on est en alerte crise, tout le Sud du département. C’est au-dessus de l’alerte sécheresse. On l’affiche un peu de partout. En crise, on a seulement le droit d’arroser les jardins potagers de 20h à 9h du matin. On n’a plus le droit d’arroser les fleurs privées et communales. Tous les gens qui ont des sources privées sont aussi concernés. Bien souvent ils croient ne pas avoir de problème parce qu’ils ont leur propre source mais l’eau vient du même endroit pour tout le monde. Il faut le faire comprendre aux gens. »
Ressentis et bonnes pratiques
« J’espère que les années passent et ne se ressemblent pas. Il faut apprendre à économiser l’eau comme toutes les sources d’énergie. C’est un combat quotidien. C’est bien de favoriser les plantes vivaces, chez soi et dans les communes. Il faut arrêter les pots, les jardinières et tout ce qui est arrosage permanent pour faire plutôt des massifs. Pourquoi pas planter des légumes dans les massifs fleuris. Par rapport à ça, on a aussi une plateforme de déchets verts. On récupère seulement les végétaux qui sont ensuite broyés. On a pas mal de tas de broyat qui ont 3 ans, 2 ans ou 1 an. Si on fait des massifs de plantes vivaces, mellifères et avec du paillage, il n’y a quasiment pas d’arrosage à faire. Je suis aussi guide composteur. »
« Il faut travailler autrement, arrêter de planter du gazon et prendre de l’herbe agricole. On sait qu’il y a tout ce qu’il faut dedans. Ça résiste aussi beaucoup mieux à la sécheresse et ça évite les arrosages. Je pars du principe où, même les années où il pleut, où on a de l’eau, ce n’est pas la peine de gaspiller la ressource, il faut l’économiser. A partir du moment où l’eau vient chez nous on la salit, autant qu’elle reste en montagne. »
« A Châtel, tous nos réservoirs sont équipés de flotteurs ou de vannes altimétriques. Avant, le trop-plein partait dans les égouts. Je pars du principe que l’Homme prend ce dont il a besoin et le reste il le rend à la nature. Avec les flotteurs on rend l’eau en trop au milieu naturel autour du captage. C’est quelque chose qui me parait important. Les gens ne pensent pas à ça. Il faut faire attention à la faune et à la flore. Les petites rivières font les grandes. On a besoin d’eau pour l’hydroélectricité. Le soir, tout le monde est content que ça s’allume chez soi. Dès la source, il faut économiser au maximum. « La nature ce n’est pas compliqué, c’est nous qui voulons toujours la dompter. La nature n’a pas besoin de l’Homme. »
« J’ai toujours fait un jardin. On ne peut pas semer quand la terre n’est pas chaude et, avant, fin avril - début mai, on pouvait semer ici. Maintenant on est plus vers fin mai - début juin mais on a une très belle arrière-saison. Ce n’était pas rare d’avoir un coup de gel avant le 15 septembre. Je pense que par rapport à avant on a un printemps plus froid. On a moins de neige et par rapport au climat, ça s’est décalé d’un bon mois. On a des fois une période de beau et chaud en mars et puis, en avril, la température baisse. Maintenant quand on a du froid en novembre c’est déjà bien. Je trouve que les températures ne sont jamais stables. On n’avait pas -5°C avec de la neige et le lendemain 10°C avec de la pluie. Ça a bien changé sur 20 ans. »
« Au niveau des arbres, j’ai remarqué qu’avant on ne voyait pas de frênes en montagne, à notre altitude si [celle du village] mais pas plus haut. Maintenant il y en a et ils poussent bien. Ça se boise de plus en plus haut. C’est peut-être parce qu’il y a moins de pâturages mais il y a des essences qui sont plus en altitude qu’avant. »
« Sur la commune j’ai aussi beaucoup travaillé sur les produits phytosanitaires pour éviter la pollution de l’eau. A force d’en parler, les gens en passent de moins en moins. J’ai essayé de sensibiliser les habitants là-dessus. Quand il pleut, ça ramasse tous les produits et ça va dans les ruisseaux. Quand je voyais des gens qui en utilisait dans les cimetières ou dans leur cour, je leur disais que ça coûtait quand même un peu cher, que je n’en passais pas chez moi et que ça ne poussait pas non plus. L’eau chaude des pâtes et des œufs durs je la vide sur les mauvaises herbes. Déjà ça tue la plante mais ça permet aussi à l’eau de rester sur la terre et de pas aller dans les égouts. De fil en aiguille, les gens ont changé leurs façons de faire. Dans mon évier quand je me lave les mains je mets une cuvette. Ça force à moins consommer. On met moins fort parce qu’après on va la vider dehors pour arroser. Les récupérateurs d’eau c’est bien aussi. Chez moi j’ai 2m3 et demi et un toit de 200m2. Je n’ai pas encore utilisé d’eau communale pour arroser mon jardin. Je me bats aussi pour les travaux : pour des routes inclinées qui vont évacuer l’eau plutôt que des bordures. Sur la commune, on a mis des chasses d’eau qui consomment moins d’eau. L’hiver il n’y a pas de WC publics dehors. Les gens ont tendance à oublier quelque chose qu’ils connaissent tous : le cycle de l’eau. C’est toujours la même eau qui tourne donc il faut en prendre soin le plus possible. »
« J’espère que cette année va faire une bonne sensibilisation chez les gens, qu’elle va marquer les esprits. On n’est pas sortis de l’auberge. On est limite et c’est seulement le milieu de l’été. S’il ne pleut pas en août, je pense qu’en septembre on va manquer d’eau. »
« J’ai toujours été conscient des efforts qu’il fallait faire. Quand j’ai construit ma maison en 1997, je l’ai fait en béton cellulaire, sans laine de verre. C’était léger, c’était bien. J’ai aussi un chauffage en géothermie. J’ai été le premier à le mettre dans le Trièves. Les tuyaux prennent la chaleur de la terre et la ramène dans un plancher chauffant. Aujourd’hui, j’en suis à 100€ d’électricité par mois tout confondu : chauffage, eau chaude et ma femme est assistante maternelle donc elle à la maison toute la journée. »
« J’avais fait une campagne de sensibilisation avec les écoles. On était partis d’un captage et on avait suivi l’eau tous le long. Je leur avais expliqué que si on se lave les dents 3 fois par jour pendant 3 minutes comme il le faut normalement, si on laisse couler l’eau, à l’année ça fait presque l’eau du réservoir entier. Ça leur avait bien plu et j’avais eu pas mal de retours des parents. Passer par les enfants c’est pas mal. On avait fait pareil au niveau du tri. »
Biodiversité
« Il y a des endroits où il y en a de moins en moins d’insectes et d’abeilles. Ça va devenir un souci. C’est vrai qu’ils souffrent. C’est pour ça que j’essaie de mettre des plantes mellifères dans les massifs de la commune. Chez moi, j’ai fait un hôtel à insectes et j’essaie d’avoir une floraison sur toute l’année pour les abeilles sauvages : ça va du buis, au noisetier, aux roses de Noël. Il faut aussi planter des haies mais pas des cyprès. Il faut planter des essences du coin. Il faut laisser les fleurs fanées et ne pas tout couper. Il y a beaucoup d’insectes qui passent l’hiver là-dedans. Il faut les enlever au printemps une fois qu’ils sont sortis d’hibernation. »
« Depuis le 1er janvier [2022], on éteint les lampes de minuit à 5h30 du matin. Rien que ça pour les insectes c’est bien. »
Entretien Camille Donnat
Rencontrée le 29/06/2022
Camille Donnat a 14 ans et vient de finir son année de quatrième au sein de la classe climat de Monestier de Clermont. Il habite dans le village depuis sa naissance.
« Cette année on a eu un gros projet de regards croisés avec le Sénégal. On a correspondu avec le collège de Dindefello. On a parlé de nos vies mais aussi du climat. On a fait beaucoup de sorties à Gresse-en-Vercors parce que c’est là qu’on voyait le plus l’impact du changement climatique au niveau de la neige parce que c’est une station de moyenne montagne et c’est les plus touchées. On a visité l’usine à neige artificielle de Gresse pour voir comment elle était créée. On a aussi rencontré un glaciologue, Lucas, et Marion [de l’association Névé] qui a écrit Carnet Glacé, un livre sur son expérience avec les carottes de glace. On a fait des sorties avec d’autres collèges toujours dans le projet de regards croisés. On a aussi fait une soirée où on a projeté des films sur le climat : Neige et Ouragans du réalisateur Cyril Brabançon. Ça nous a permis de soutenir l’écran vagabond et de récolter de l’argent pour le FSE pour les sorties. »
« Ça m’a beaucoup plu, j’ai vraiment kiffé faire tout ça. Ça nous a rapproché des professeurs et dans notre classe. On était plus soudés. On a aussi fait des nouvelles rencontres grâce aux sorties. C’était super intéressant. »
« J’ai appris beaucoup de choses au niveau de la glaciologie avec Marion et Lucas. Par exemple, on a appris qu’il y a très longtemps, le Trièves c’était un énorme lac et qu’il y avait un glacier qui descendait jusqu’à Grenoble. »
« Avant cette année j’étais conscient du changement climatique mais je pense que je fais plus d’efforts actuellement que l’année dernière grâce à ce projet. Ça m’a impacté dans le bon sens pour essayer de faire d’autres efforts contre le changement climatique. A la maison, on s’est mis à mieux faire le compost. On triait déjà nos déchets. Mais c’est vrai que des fois je passais dans la rue et je jetais mon chewing-gum par là et je me disais « c’est pas grave, ça va pas tout changer » et c’est fini ça maintenant. J’attends de trouver une poubelle. Un chewing-gum ça met 5 ans avant de disparaître dans la nature. »
« Le changement climatique ça me fait un peu flipper pour les années à venir et les générations futures : pour mes enfants et mes petits-enfants, qu’ils aient des problèmes avec ça. C’est aussi triste les espèces animales qui disparaissent. Ça impacte beaucoup la planète quand même… »
Entretien Vincent Froment
Rencontré le 27/06/2022
Vincent Froment habite dans le Trièves depuis sa naissance. Il a 45 ans et vit à Cornillon-en-Trièves. Il a d’abord travaillé dans les travaux publics et depuis 15 ans il est au service des eaux de la mairie Mens.
Ses Missions
« Sur Mens, il y a 3 sources : la source des Brachons, en commun avec Saint-Baudille-et-Pipet, la source du Verdier et celle de Baret au niveau du Châtel. Il y a 5 réservoirs plus un réservoir commun avec Saint-Baudille-et-Pipet. Ils sont organisés en cascades : le trop-plein d’un réservoir donne sur un autre pour qu’un seul surverse au ruisseau. Les sources sont toutes situées au-dessus du village, tout est gravitaire. On n’a pas besoin de pomper l’eau. Je suis en charge de la surveillance des réseaux, ce qui comprend la production, la qualité, l’entretien du réseau et la programmation du renouvellement du réseau. J’oriente aussi les élus sur les portions du réseau où il est le plus urgent de réparer ou de renouveler. Je m’occupe également du réseau d’assainissement et de la gestion de la station d’épuration. Enfin, j’aide mes collègues pour le déneigement lorsqu’ils en ont besoin.
Un réservoir d’eau sert simplement de tampon au cas où la consommation est supérieure au débit de la source. La nuit il se re-remplit. On ne peut pas stocker de l’eau plus de 3 jours. S’il y a un problème avec une source, si elle s’arrête où s’il y a un éboulement, on peut tenir une journée/une journée et demi maximum avec l’eau stockée dans l’ensemble des réservoirs. Le tuyau pour la consommation pompe aux deux tiers du réservoir. L’autre partie est fermée et réservée en cas d’incendie et dans ce cas-là, on est appelés à ouvrir des vannes qui pompent alors le fond du réservoir.
Par endroits, en faisant les chantiers, on retrouve un vieux canal en béton qui parcourait les rues de Mens et aussi parfois des conduites en poterie. Le réseau d’eau potable date de 1932 à 1936. Avant, je pense que les sources devaient être canalisées pour alimenter des bassins et les gens devaient aller chercher de l’eau là-bas. J’imagine que c’était les fossés qui alimentaient le village. Les gens consommaient aussi beaucoup moins d’eau que nous aujourd’hui.
La réparation des fuites représente une grosse partie de mon travail. Ce sont plutôt de petites fuites. J’ai remarqué que certaines fuites alimentaient un bassin. C’était une sorte de bassin témoin. Quand je réparais une fuite, j’allais prendre le débit en photo avant et quand je revenais, il ne coulait plus ou très peu. On a fait pas mal de travaux sur le réseau et il n’y a plus d’eau dans ce bassin maintenant. Il y avait aussi peut-être une source au niveau du bassin mais qui devait être renforcée par les fuites d’eau. Au fil du temps, la source s’est sûrement un peu perdue comme toutes les autres à cause de la sécheresse. »
« On avait fait un schéma directeur à l’échelle du Trièves. Il y a eu une vraie concertation : des rencontres avec les agriculteurs, commune par commune, pour concilier leurs besoins et les besoins de construction : On leur demandait « quels terrains sont vraiment nécessaires à votre exploitation et lesquels pourriez-vous céder ? ». L’Agenda 21 a aussi été fait en concertation. J’ai été élue pour diriger ce syndicat. Dans une concertation, l’important c’est que la « règle du jeu » soit définie. Je me suis engagée à présenter toutes les actions aux élus. C’était ensuite à eux de décider s’ils prenaient ou pas et j’allais expliquer aux gens pourquoi si cela avait été refusé. Les choses étaient claires. C’est pourquoi cet Agenda 21 s’est plutôt bien passé, même à la sortie. De souvenir, seulement une action n’est pas passée, un projet de monnaie locale. C’est dommage. »
La sécheresse
« La sécheresse c’est assez aléatoire. Cette année est une année très sèche au niveau pluviométrie mais j’ai déjà eu des années où les sources étaient beaucoup plus basses en début de saison [après la fonte des neiges]. A Mens, nos sources sont vraiment impactées par la quantité de neige sur les montagnes. Cette année, en début de saison elles étaient plus hautes qu’il y a deux ou trois ans. Les sources mettent vraiment longtemps à monter quand la neige fond. L’eau met du temps à traverser toutes les couches de calcaire et doit sûrement prendre sa source assez haut en altitude. Une fois par semaine, je vérifie le débit de chaque source ainsi que le débit à la sortie du réservoir, c’est-à-dire la demande du réseau. En ce moment [fin-juin], le débit constant de la source équivaut au double de mon débit maximal prélevé pour la consommation. Il y a 420L/min qui partent vers Mens et 800L/min qui arrivent dans le réservoir. D’après ce que j’ai vu, je suis plutôt serein pour les deux mois à venir mais pour la fin de l’année cela risque d’être une autre histoire. Il y a des années où j’ai eu des débits, sur ma source du Verdier, que je n’ai jamais retrouvé : 1800L/min. Maintenant le grand maximum c’est 1400-1500L/min et en moyenne c’est 800L/min.
Je me fais plus de soucis pour les ruisseaux que pour les sources. Cette année le niveau de l’Ebron est très bas. Chaque source ne réagit pas de la même façon à la sécheresse : certaines baissent très vite alors que la source de Saint-Baudille-et-Pipet n’a pas baissé du tout, au contraire elle donne beaucoup. Pour l’instant, on ne manque pas vraiment d’eau. Nos soucis concernent plutôt la réparation des fuites et la consommation des habitants. Il faut consommer juste ce dont on a besoin. Avant que je travaille pour la commune, il y a déjà eu des coupures d’eau mais il y avait beaucoup de fuites. Si on ne fait rien sur le réseau d’eau et si on ne répare pas les fuites, on va venir à manquer d’eau.
En période de sécheresse, entre le captage et le village, il y a toute une partie du ruisseau qui est privée d’eau et qui meurt. La fermeture des fontaines permet de ne pas priver la nature d’une eau qui n’aura servi à rien. Si on ne le fait pas, on voit des truites qui sont sur le dos parce qu’il n’y a plus assez d’eau. Ça ne fait pas tout mais c’est une partie des gestes à appliquer. Une autre partie consiste à informer : à afficher l’arrêté et à mettre des messages sur le panneau lumineux. Si je vois des gens en train de laver leur voiture j’essaie de les sensibiliser en leur disant rappelant qu’on est en sécheresse. J’ai aussi mis des électrovannes pour éviter de tirer de l’eau la nuit quand cela ne sert à rien. Ça représente environ 2500m3 par fontaine par an mais c’est variable selon les bassins.
Cette année le Trièves est particulièrement sec. Il pleut davantage autour mais pas dans le Trièves ni la Matheysine. A Pellafol, c’est déjà beaucoup plus vert. J’ai récupéré des relevés pluviométriques de 1900 à Saint-Baudille-et-Pipet et je les ai comparés avec ceux d’aujourd’hui. En moyenne, sur l’année la quantité de pluie est la même, autour de 800mm par an, mais aujourd’hui, ce n’est plus reparti pareil. C’est moins régulier. L’eau tombe lors de gros orages et ces pluies ne servent pas à grand-chose. Elles partent directement dans l’Ebron parce que tout est sec. Comme il y a moins de neige, la quantité d’eau totale a diminué.
On est bouclé avec les communes de Saint-Jean-d’Hérans et Cornillon-en-Trièves. On est donc capables de leur renvoyer de l’eau. Il faudrait essayer de boucler chaque commune au maximum pour qu’en cas de problème ou de sécheresse, la commune qui est en surplus puisse renvoyer de l’eau à la commune voisine en manque. »
Consommation d'eau et bonnes pratiques
« La consommation d’eau moyenne à Mens est similaire à la moyenne nationale : environ 120m3 pour un foyer de 4 personnes par an. Il y a plein d’astuces pour éviter de consommer trop d’eau. J’essaie de sensibiliser mes enfants à ce sujet. Pour les toilettes, on peut mettre une brique dans la chasse d’eau. Le matin, c’est le dernier qui passe aux toilettes qui tire la chasse. On peut aussi utiliser un double réseau avec de l’eau de pluie pour les toilettes par exemple. Ça permet d’éviter de gaspiller de l’eau potable. A Mens, l’eau vient uniquement des sources. Si on voulait faire un autre réseau avec de l’eau non traitée, il faudrait un nouveau réservoir et beaucoup de travaux. Ce ne serait pas plus écologique au final car on devrait creuser et brûler du fuel. »
« Pour la commune, je fais un gros tas de compost avec tous les roseaux de la station d’épuration, les feuilles qu’on aspire dans le village et le gazon du terrain de foot que je brasse avec le tractopelle. On s’en sert pour les plantations de la commune. On en donne aussi aux gens qui en veulent. »
« Une machine à laver pleine utilise environ 50L d’eau, un lavage automatique pour la voiture environ 20L. Pour la piscine municipale cela représente 20m3 par jour et 1000m3 pour le remplissage. Une piscine particulière c’est 25m3 d’eau. »
Les orages
« Les gros orages n’apportent rien aux sources. Au contraire, sur celle de Saint-Baudille-et-Pipet qui est une source de surface ils nous amène de la turbidité. Ça salit plutôt la source. On a des filtres à 30 microns que je change 3 fois par semaine et des lampes UV pour le traitement. Des fois, avec les gros orages, ils se bouchent et ne filtrent plus assez et ça arrive jusqu’à la distribution d’eau. Ce n’est que de la terre. Les anciens sont plus habitués que les nouveaux habitants. En 2018, on imagine qu’il y a eu un éboulement dans le captage sous la montagne suite à un très gros orage. Je devais changer les filtres 2 fois par jour, 7 jours sur 7 pendant 2 mois et maintenant l’eau est plus turbide qu’avant. C’est depuis ce moment-là que je change les filtres 3 fois par semaine. C’est une zone de l’Obiou à laquelle on accède par des sentiers, vraiment contre la montagne, et qui est donc sujette à des orages. »
Observations en tant qu'habitant du Trièves
« Quand j’étais gamin, dans les années 1980, pour aller à l’école on devait pousser le car pour qu’il démarre dans la neige. A un endroit, il n’y avait plus qu’une seule voie à cause des congères. C’était en circulation alternée. Les routes étaient enneigées tout l’hiver. On ne mettait pas de sel, c’était de la pouzzolane. Il y avait au moins trois mois de neige. Il faisait froid. Il y avait des hivers où pendant 15 jours il faisait -15°C. Quand je travaillais dans les travaux publics, on avait eu une semaine de -17°C à Cornillon. C’est arrivé même après les années 2000. Pour la neige, c’est à partir des années 1990 que ça a commencé à changer. Maintenant on a des fois -11°C dans la nuit. Il n’y a plus de froid. »
« J’ai l’impression qu’il y a beaucoup plus de vent qu’avant. Il assèche la végétation. Il fait plus chaud et plus tôt dans l’année. En hiver, il fait plus doux mais on peut chauffer d’octobre à juin. Le temps est bizarre : on a plus de vrai printemps. Cette année, en mai-juin, on était comme en plein mois d’août. L’année dernière il n’y a pas vraiment eu de gros été. »
« Je trouve aussi qu’il y a moins d’hirondelles. Il y a moins d’insectes dans les villages. C’est aussi peut-être parce qu’il y a moins de fermes dans les villages. »
« J’ai observé un abaissement des terres argileuses d’environ 6-7cm. Elles dégonflent. »
Ressentis par rapport au changement climatique
Je suis fils de paysan. Je ne mets jamais de produits phytos mais du fumier dans mon jardin. Je fais attention à ce que j’achète. Je prends aux petits producteurs ou des produits français en grande surfaces. Je n’achète pas ma viande au supermarché mais à un petit boucher. Je ne mange pas des fraises quand ce n’est pas la période des fraises. Je trouve ça aberrant de vouloir manger tout n’importe quand. Je suis conscient des choses, je fais des efforts mais je ne suis pas parfait. Je ne suis pas un super bon trieur. Pour faire plus d’efforts j’aurais besoin de plus de temps et sûrement aussi de plus d’argent. Je pourrais prendre plus de temps pour mon jardin pour moins acheter en magasin. Cuisiner ça prend du temps.
« Le changement climatique ça me fait un peu peur et je me demande comment ça va se passer à l’avenir. On nous parle de l’arrêt de la voiture thermique mais comment va-t-on faire sans voiture thermique ? Qui sait vraiment ce qui se passe et comment ce sera dans 20 ans ? Quelles sont les solutions ? Par exemple, comment va-t-on remplacer les camions ? On en a besoin pour les chantiers. Je ne pense pas que c’est un camion électrique qui va charrier 50 tonnes. Aujourd’hui les tracteurs dans les fermes font 200 chevaux. Est-ce qu’il existera des tracteurs électriques capables de remplacer 200 chevaux ? On nous parle aussi de circuit court mais on doit aller chercher du fromage de chèvre chez un producteur puis faire 10 kilomètres pour aller chercher une salade chez un autre… Je me demande pourquoi on n’a jamais réussi à créer une petite superette des producteurs locaux du Trièves. »
Entretien Capucine Morin
Rencontrée le 26/07/2022
Capucine Morin passait ses vacances et week-ends dans le Trièves avant de s’installer définitivement en 1980 au Percy. Elle a été présidente du SIAT du Trièves. Elle a 67 ans.
L’Agenda 21
« Le Trièves était bien organisé institutionnellement au moment de la mise en place de l’Agenda 21. Il y avait les 3 petites communautés de communes : Clelles, Mens et Monestier de Clermont. Le canton de Clelles était le plus pauvre. Il ne bénéficiait pas des revenus des barrages EDF. Quand on est pauvre, on partage généralement plus facilement et cela a aidé le canton de Clelles à être en avance. On a été la première intercommunalité rurale d’Isère. Après la guerre, le Trièves a été une zone témoin. Les agriculteurs ont super bien travaillé. Du point de vue agricole, la terre est riche surtout pour la production de blé. Du fait de la zone témoin, il y avait une habitude à travailler ensemble sur le territoire. Cette habitude s’est concrétisée par un Comité d’Expansion du Trièves puis par le syndicat d’aménagement du Trièves qui regroupait les 3 cantons. C’était super. On travaillait sur des tas de thématiques : l’agriculture, la forêt, la culture… ça a finalement été assez logique de faire un Agenda 21. »
« On avait fait un schéma directeur à l’échelle du Trièves. Il y a eu une vraie concertation : des rencontres avec les agriculteurs, commune par commune, pour concilier leurs besoins et les besoins de construction : On leur demandait « quels terrains sont vraiment nécessaires à votre exploitation et lesquels pourriez-vous céder ? ». L’Agenda 21 a aussi été fait en concertation. J’ai été élue pour diriger ce syndicat. Dans une concertation, l’important c’est que la « règle du jeu » soit définie. Je me suis engagée à présenter toutes les actions aux élus. C’était ensuite à eux de décider s’ils prenaient ou pas et j’allais expliquer aux gens pourquoi si cela avait été refusé. Les choses étaient claires. C’est pourquoi cet Agenda 21 s’est plutôt bien passé, même à la sortie. De souvenir, seulement une action n’est pas passée, un projet de monnaie locale. C’est dommage. »
La neige
« Quand je me suis installée, dans les années 1980, on avait de la neige l’hiver mais surtout elle restait. Toutes ces dernières années, il neigeait mais derrière il y avait un coup de vent du Sud et ça partait et il pleuvait. »
Observations climatiques : chaleur, vent…
« J’ai toujours fait attention aux températures. Je me rappelle très bien, il y a quelques années, quand on a dépassé les 30°C pour la première fois. J’étais déjà surprise et aujourd’hui on est à 38 ! Ce qu’on a cette année, on ne l’a jamais eu avant. On cumule les températures et le manque de précipitations. Au niveau des températures, c’est sûr qu’on augmente. Ce n’est pas juste du ressenti. »
« J’ai le souvenir que je disais : « Chez nous, il fait beau et on est tranquilles du 14 juillet au 15 août. » et à partir du 15 août, il y avait les orages. Maintenant, il y a des orages tout le temps, même en hiver, et on va finir par être bien toute l’année. »
« On a le foehn plus souvent. C’est comme ça que j’appelle le vent du Sud qui amène du sable. »
Potager
« Je suis au débouché d’une vallée. L’hiver il faisait très froid. J’ai toujours fait un potager. En 2003, j’ai eu une récolte de tomates que je n’avais jamais eu de ma vie. Elles étaient bien mûres alors qu’avant elles étaient souvent vertes. Mon frère, qui était agriculteur, m’avait dit : « Tu ne verras plus jamais ça. » mais ce n’est pas vrai. Depuis, je peux faire des tomates. Elles ne sont plus vertes. Je les ramasse aussi plus tôt qu’avant. »
« Avant, on se fiait beaucoup aux Saints de Glace et il n’y a pas si longtemps on a gelé bien après le 13 mai et plusieurs jours. On a des gelées plus tardives. »
Biodiversité
« L’ancien maire du Percy, qui est aujourd’hui décédé, m’avait dit qu’il voyait de nouvelles plantes qu’il n’avait jamais vu. Je pense qu’on évolue au niveau botanique. On est envahi par le panais urticant depuis une dizaine d’années. Il n’y en avait pas quand j’étais petite. C’est une plante que je ne connaissais pas. »
« Le colchique est toujours dans les prés mais il arrive plus tôt. Quand j’étais môme, il arrivait à la rentrée, vers le 10-15 septembre. Aujourd’hui on l’a fin août. »
« La disparition des hirondelles je pense que c’est lié à la diminution des étables. C’est vrai qu’avant ici on en avait et là on en a plus. »
Sensibilité écologique et préoccupations
« Je prends conscience aujourd’hui que j’ai toujours eu une sensibilité écologique. Je ne sais pas vraiment pourquoi. La première fois où j’ai entendu le mot « écologie » c’était à la FAC en 1974-75. Ça commençait tout juste. J’étais écolo sans le savoir dans ma manière de vivre. Le fait d’habiter à la campagne, près de la nature, ça aide. On est plus sensible au beau et au mauvais temps. »
« Je suis très en colère que ce soit l’économie libérale qui fasse les lois. »
« Une des solutions aujourd’hui c’est le transport en commun plutôt que de produire des voitures électriques en masse. »
« Je déteste quand on culpabilise les gens sur leurs mauvaises habitudes. Le problème n’est pas là. Chaque petit geste est important mais il faut agir à échelle mondiale ou nationale. Je me demande ce que les petits vont vivre. J’avoue que je suis inquiète. »
Depuis le milieu du XIXème siècle (période de la révolution industrielle), les activités humaines ont modifié la composition de l’atmosphère en y rejetant massivement des gaz a effet de serre (notamment du dioxyde de carbone et du méthane). Aujourd’hui, les concentrations de gaz à effet de serre atteignent ainsi des niveaux jamais observés depuis les 800.000 dernières années. Cette augmentation a pour effet d’amplifier l’effet de serre, empêchant la chaleur de la Terre d’être évacuée. La Terre se réchauffe, et ses équilibres climatiques naturels sont bouleversés.
La température moyenne à la surface de la Terre a augmenté d’environ 1,2°C en seulement un siècle. En France et dans les Alpes, ce réchauffement est encore plus marqué : il est évalué à 2,6°C pour le Trièves. Ce réchauffement s’est intensifié au cours des dernières décennies et particulièrement ces dernières années : les six années les plus chaudes ont toutes été enregistrées depuis 2015.
La communauté scientifique s’accorde sans équivoque sur le fait que ces émissions de gaz à effet de serre sont d’origine humaine.
Outre l’augmentation de la température globale, les bouleversements climatiques ont déjà de nombreux impacts visibles sur notre planète ainsi que sur les sociétés humaines et les écosystèmes : sécheresses, canicules, incendies gigantesques, crues, élévation du niveau marin, disparition d'espèces, déplacement ou émergence de pathogènes, guerres et violents conflits d'usage, réfugié·es climatiques, etc. Ainsi, dans l'Union européenne, fin-août 2022, on a atteint des records en matière d'incendies : plus de 700 000 hectares de forêts (dont plus de 62 000 en France) étaient déjà partis en flammes depuis le début de l'année (EFFIS).
L’AMPLEUR DES CHANGEMENTS DEMAIN DÉPEND DES ÉMISSIONS D'AUJOURD’HUI
Les scientifiques évaluent, par le biais de « projections », comment le climat évoluera dans les différentes régions du monde en fonction de l’évolution des émissions de gaz à effet de serre résultant des activités humaines. Ils et elles analysent aussi les options qui sont à notre disposition pour contenir le changement climatique et s’y adapter.
Il est encore possible de limiter cette hausse à 1,5°C et de limiter les dommages pour les humains et leur environnement, en limitant les risques d'emballements climatiques. Mais cela nécessite des transformations radicales dans tous les secteurs de la société et dans le monde entier.
Respecter l’objectif de 1,5°C sera moins coûteux et moins rude à long terme qu’une augmentation de 2°C.
Le rapport du GIEC publié en août 2021 rapporte les augmentations de la température moyenne de notre planète attendues à l’horizon 2100 dans différents scénarios :
- de 1 à 1.8°C dans un scénario très basses émissions de gaz à effet de serre ;
- de 2,1 à 3,7°C dans un scénario intermédiaire,
- et de 3,3°C à 5,7°C dans un scénario « fortes émissions ».
Aujourd’hui, les émissions mondiales de gaz à effet de serre continuent de croître à un rythme soutenu tel que le scenario "fortes émissions".
Si les États tiennent les engagements qu’ils ont pris pour réduire leurs émissions entre 2020 et 2030, les scientifiques prévoient un réchauffement de 3 à 3,2°C en 2100. Il faudrait que ces engagements soient trois fois plus ambitieux sur la période 2020 - 2030 pour avoir une chance que le réchauffement à long terme soit inférieur à 2°C (et qu'ils soient multipliés par 5 pour 1,5°C).
Sans action de grande ampleur sur les sources humaines d’émissions de gaz à effet de serre, le réchauffement climatique aura des conséquences très sérieuses, partout dans le monde, y compris dans le Trièves dont les températures moyennes ont dejà augmenté de 2,6°C.
Pour en savoir plus :
http://www.grec-sud.fr/publications/montagne/
https://report.ipcc.ch/ar6wg2/pdf/IPCC_AR6_WGII_SummaryForPolicymakers.pdf
EFFIS : données de Système européen d'information sur les feux de forêt https://www.copernicus.eu/fr/systeme-europeen-dinformation-sur-les-feux-de-forets
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