Rencontrée le 26/07/2022
Capucine Morin passait ses vacances et week-ends dans le Trièves avant de s’installer définitivement en 1980 au Percy. Elle a été présidente du SIAT du Trièves. Elle a 67 ans.
L’Agenda 21
« Le Trièves était bien organisé institutionnellement au moment de la mise en place de l’Agenda 21. Il y avait les 3 petites communautés de communes : Clelles, Mens et Monestier de Clermont. Le canton de Clelles était le plus pauvre. Il ne bénéficiait pas des revenus des barrages EDF. Quand on est pauvre, on partage généralement plus facilement et cela a aidé le canton de Clelles à être en avance. On a été la première intercommunalité rurale d’Isère. Après la guerre, le Trièves a été une zone témoin. Les agriculteurs ont super bien travaillé. Du point de vue agricole, la terre est riche surtout pour la production de blé. Du fait de la zone témoin, il y avait une habitude à travailler ensemble sur le territoire. Cette habitude s’est concrétisée par un Comité d’Expansion du Trièves puis par le syndicat d’aménagement du Trièves qui regroupait les 3 cantons. C’était super. On travaillait sur des tas de thématiques : l’agriculture, la forêt, la culture… ça a finalement été assez logique de faire un Agenda 21. »
« On avait fait un schéma directeur à l’échelle du Trièves. Il y a eu une vraie concertation : des rencontres avec les agriculteurs, commune par commune, pour concilier leurs besoins et les besoins de construction : On leur demandait « quels terrains sont vraiment nécessaires à votre exploitation et lesquels pourriez-vous céder ? ». L’Agenda 21 a aussi été fait en concertation. J’ai été élue pour diriger ce syndicat. Dans une concertation, l’important c’est que la « règle du jeu » soit définie. Je me suis engagée à présenter toutes les actions aux élus. C’était ensuite à eux de décider s’ils prenaient ou pas et j’allais expliquer aux gens pourquoi si cela avait été refusé. Les choses étaient claires. C’est pourquoi cet Agenda 21 s’est plutôt bien passé, même à la sortie. De souvenir, seulement une action n’est pas passée, un projet de monnaie locale. C’est dommage. »
La neige
« Quand je me suis installée, dans les années 1980, on avait de la neige l’hiver mais surtout elle restait. Toutes ces dernières années, il neigeait mais derrière il y avait un coup de vent du Sud et ça partait et il pleuvait. »
Observations climatiques : chaleur, vent…
« J’ai toujours fait attention aux températures. Je me rappelle très bien, il y a quelques années, quand on a dépassé les 30°C pour la première fois. J’étais déjà surprise et aujourd’hui on est à 38 ! Ce qu’on a cette année, on ne l’a jamais eu avant. On cumule les températures et le manque de précipitations. Au niveau des températures, c’est sûr qu’on augmente. Ce n’est pas juste du ressenti. »
« J’ai le souvenir que je disais : « Chez nous, il fait beau et on est tranquilles du 14 juillet au 15 août. » et à partir du 15 août, il y avait les orages. Maintenant, il y a des orages tout le temps, même en hiver, et on va finir par être bien toute l’année. »
« On a le foehn plus souvent. C’est comme ça que j’appelle le vent du Sud qui amène du sable. »
Potager
« Je suis au débouché d’une vallée. L’hiver il faisait très froid. J’ai toujours fait un potager. En 2003, j’ai eu une récolte de tomates que je n’avais jamais eu de ma vie. Elles étaient bien mûres alors qu’avant elles étaient souvent vertes. Mon frère, qui était agriculteur, m’avait dit : « Tu ne verras plus jamais ça. » mais ce n’est pas vrai. Depuis, je peux faire des tomates. Elles ne sont plus vertes. Je les ramasse aussi plus tôt qu’avant. »
« Avant, on se fiait beaucoup aux Saints de Glace et il n’y a pas si longtemps on a gelé bien après le 13 mai et plusieurs jours. On a des gelées plus tardives. »
Biodiversité
« L’ancien maire du Percy, qui est aujourd’hui décédé, m’avait dit qu’il voyait de nouvelles plantes qu’il n’avait jamais vu. Je pense qu’on évolue au niveau botanique. On est envahi par le panais urticant depuis une dizaine d’années. Il n’y en avait pas quand j’étais petite. C’est une plante que je ne connaissais pas. »
« Le colchique est toujours dans les prés mais il arrive plus tôt. Quand j’étais môme, il arrivait à la rentrée, vers le 10-15 septembre. Aujourd’hui on l’a fin août. »
« La disparition des hirondelles je pense que c’est lié à la diminution des étables. C’est vrai qu’avant ici on en avait et là on en a plus. »
Sensibilité écologique et préoccupations
« Je prends conscience aujourd’hui que j’ai toujours eu une sensibilité écologique. Je ne sais pas vraiment pourquoi. La première fois où j’ai entendu le mot « écologie » c’était à la FAC en 1974-75. Ça commençait tout juste. J’étais écolo sans le savoir dans ma manière de vivre. Le fait d’habiter à la campagne, près de la nature, ça aide. On est plus sensible au beau et au mauvais temps. »
« Je suis très en colère que ce soit l’économie libérale qui fasse les lois. »
« Une des solutions aujourd’hui c’est le transport en commun plutôt que de produire des voitures électriques en masse. »
« Je déteste quand on culpabilise les gens sur leurs mauvaises habitudes. Le problème n’est pas là. Chaque petit geste est important mais il faut agir à échelle mondiale ou nationale. Je me demande ce que les petits vont vivre. J’avoue que je suis inquiète. »